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Vin breton : les grands crus bretons millésimés

La Bretagne aurait-elle produit du vin breton d’une telle qualité par le passé que certaines bouteilles puissent avoir été classées en cru breton ? À première vue oui, si on en croit cette affiche datant de la fin des années 70 : une vente de tels flacons a bel et bien existé.

vin breton crus classés
l'affiche présentant les grands cru bretons millésimés

Une affiche de vin breton trouvée dans une cave

Tout commence avec un poster en noir et blanc, coloré en bleu, au format 40x60cm. Cette affiche, vue dans une cave à vin (pas n’importe laquelle, celle de mon père), je suis passé devant toute mon enfance. Ce n’est que récemment que j’ai pris le temps de la regarder. Aussi, j’ai été bien étonné d’y découvrir au premier regard que la Bretagne avait produit des vins bouchés, qui plus est dans des bouteilles de forme bordelaise. L’affiche indiquait « vente promotionnelle, grands crus bretons millésimés. »

Des crus de vin breton très particuliers

Autour de la bouteille en verre, des étiquettes de vin breton. Avec ces mentions :

  • Domaine de Men’Goulven, Château Amoco-Cadiz, Shell Portsall, appellation Brut Léger contrôlée, 1978. Importateur-Exportateur : Amoco – Chicago – U.S.A., Adresse : Monrovia Liberia. 300 millions de bouteilles.
  • Domaine de Sein, Château Boehlen, R.D.A. de Cornouaille, Brut Vénézuélien, 1976. Importateur-Exportateur, R.D.A Berlin Est. 13 millions de bouteilles.
  • Domaine d’Ouessant, Château Olympic-Bravery, Onassis d’Ouessant, Appellation Fuel Lourd contrôlée, 1976. Kirton Panama S.A. Importateur-Exportateur : Monaco – Monrovia Liberia. 1,6 millions de bouteilles.
  • Domaine de Seven Stones, Château Torrey-Canyon, B.P. du Granit Rose, Brut, 1967, Cuvée réservée. Importateur-Exportateur : Barracuda Tanker Corporation, Los Angeles, USA. Adresse : Monrovia Liberia. 40 millions de bouteilles.
Carte de la Bretagne pour l'article sur le vin breton et ses crus
Les nappes de pétrole du Torrey Canion en Bretagne en 1967 (France soir)

Des mauvais souvenirs pour les bretons

Pas de raisin fermenté dans ces flacons imaginaires donc, mais un détournement d’affiches traditionnelles de vente de vin pour mettre en lumière le fléau qui a sévi sur les côtes bretonnes (ici pendant les années 60 et 70) : les marées noires. L’affiche a été publiée certainement à la fin des années 70, après échouage de l’Amoco-Cadiz au large de la commune de Ploudalmézeau dans le Finistère nord. L’éditeur est l’association SEPNB (Société d’Étude et de Protection de la Nature en Bretagne, devenue depuis Bretagne Vivante).

La côte bretonne : Roscoff
La station biologique de Roscoff

Dans la cave à vin familiale

J’ai demandé à mon père comment cette affiche a terminé dans sa cave à vin : « Pour comprendre, il faut savoir que j’ai fait mes études à l’Université de Brest, à la fin des années 60, en Sciences Naturelles. Je suis rentré en fac en septembre 1966 et en mars 1967, le Torrey- Canyon s’est échoué au large de la Cornouaille anglaise. Le pétrole s’est répandu également en face, sur la côté nord de la Bretagne. Les étudiants volontaires de ma classe ont été réquisitionnés pour tenter de sauver l’alguier de la station biologique de Roscoff. Ceux d’entre nous en Sciences Naturelles pouvaient en temps normal aller sur place pour observer ces différentes algues dans le cadre de leurs études.»

Les étudiants à Roscoff en 1967
Des étudiants construisant des boudin de pailles pour stopper la marée noire

Une action bien inutile

« Il fallait essayer de le protéger de la marée noire qui arrivait inexorablement par le nord. On était dans l’eau avec nos bottes, on avait des gros boudins de toile de jute remplis de paille pour stopper le désastre. » Et ça a fonctionné ? « Tu rigoles ! On a été submergé par la nappe de pétrole, recouverts par une sorte de goudron noir ! On a ensuite pris des pelles et des seaux qu’on a rempli de brut, mais ça n’a pas empêché la catastrophe. J’ai ensuite adhéré à la SEPNB et c’est par leur biais que j’ai eu cette affiche.»

La baie de Roscoff pendant la marée noire
Les barrages flottants à Roscoff en 1967

Une autre lecture de l’affiche

Ce poster des vins bretons peut aussi avoir une autre lecture : elle permet de noter l’absence de production de vin dans la péninsule bretonne depuis de nombreuses années et le manque de produits agricoles de qualité à mettre en avant. Dans nos autres articles, nous parlions de l’histoire du vin en Bretagne, histoire lointaine, à mettre en parallèle avec le développement d’une production agricole de masse, intensive, qui a pris son essor dans les années 50 dans la région. À cette époque (fin des années 70), il n’y avait pas vraiment de produits agricoles « millésimés » à sortir de terre dans le grand ouest. Même le cidre, boisson locale par excellence, était encore soit industriel, soit fermier, sans réel travail organoleptique. Il faudra encore attendre quelques années pour des pionniers retravaillent la fermentation de la pomme et réinventent la boisson typique de la Bretagne, de la même façon que les vignerons indépendants travaillent le raisin. L’affiche de la SEPNB permettait d’indiquer une sorte de revanche (nous aussi, nous avons nos crus) mais des crus au gout bien amer.

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Histoire du vin à Rennes

le vin à Rennes et l'histoire de la vigne

L'histoire du vin à Rennes

Pendant des siècles, la Bretagne a produit du vin sur ses terres (voir notre article sur l’Histoire du vin en Bretagne). Cependant, Rennes n’a jamais été un endroit réputé pour sa production des produits de la vigne. 

Un seul texte sur la vigne à Rennes

« Effectivement, la région de Rennes n’a sans doute pas été un haut lieu de production viticole. Je n’ai trouvé que très peu de documents relatifs au vin sur ce territoire ». C’est ce  que note Guy Saindrenan, Universitaire, auteur du livre Le Vin et la Vigne en Bretagne, aux éditions Coop Breizh. Tout juste une mention de l’existence de la vigne lors de la fondation de l’abbaye Saint-Georges à Rennes au XI e siècle : « La princesse Adèle, sœur du duc Alain III qui régna de 1008 à 1040, n’aspirait qu’à la vie monastique. Le duc lui fit don d’une terre située à l’est de Rennes comprenant un vignoble, des champs fertiles, des prairies arrosées par la Vilaine. » (d’après Henri Poisson, Jean-Pierre Le Mat, Histoire de Bretagne, Coop Breizh, 2004, p.115)

Le vin à Rennes à l'Abbaye Saint Georges
L'abbaye Saint Georges de Rennes en 1644

Vigne et toponymie

Pourtant, nombre de terrains autour de Rennes portent encore des noms dont la toponymie semble évidente. À Cesson-Sévigné, par exemple, sur le cadastre napoléonien de 1820, plus de deux cents parcelles y font référence. Citons la petite vigne, le pressoir, la vignette, les vigneaux, etc. À chaque fois, les parcelles sont très dispersées, petites, conformes à une production très locale, consommée directement dans la ferme ou le hameau.

le vin et la vigne à Rennes en Bretagne
L'Allée du Champ de la vigne à Rennes, derrière la gare, à quelques dizaines de mètres de la rue Quineleu

L’histoire contemporaine du vin à Rennes

Depuis 1993 pourtant, Rennes produit son vin : la cuvée du Haut-Quineleu. Réalisé avec les raisins qui mûrissent dans le quartier du même nom, derrière la gare, il est élaboré avec un mélange « très aléatoire de différents cépages », explique en esquissant un sourire Roselyne Joubin, la présidente de l’association Rennes jardin, qui initie ces vendanges chaque année.

la cuvée du Haut-Quineleu 2012
Roselyne Joubin, la présidente de l’association Rennes jardin en 2012 (photo Christophe Le Dévéhat)

Un cépage propre à la ville

« On y trouve cependant beaucoup de fruits produits par un pied que nous appelons Petit rennais. Il a été mis au point en 1908 par un professeur de botanique à l’université de Rennes, Lucien Daniel. C’est un cépage extrêmement résistant, qui survit sans traitement aux maladies, comme aux étés secs ou très humides. » Une centaine de bouteilles sortent de leur production tous les ans, au contenu « doux, mais qui vaut bien un Cahors, reprend Roselyne Joubin. C’est un vin de copains ; de toute façon, les vins bio – c’est le cas du nôtre – sont toujours un petit peu plus rudes que les autres ! »

histoire du vin à Rennes avec le haut Quineleu
les millésimes de la cuvée du Haut-Quineleu de Rennes (photo Christophe Le Dévéhat)

Lucien Daniel, botaniste rennais

Je n’ai trouvé aucun document attestant l’existence réelle de ce cépage spécifique Petit rennais. Peut-être est-il connu également sous un autre nom ? Pourtant, le botaniste Lucien Daniel (1856-1940) a bien travaillé sur l’étude de la greffe chez les végétaux. En particulier, sur la pomme à cidre et la vigne. Sa renommée lui vient de ses essais concluants d’acclimatation de certains cépages au nord de la Loire et principalement en Bretagne. Il a d’abord été enseignant au Lycée Émile Zola de Rennes à partir de 1895. Puis, il devient ensuite professeur de botanique à la faculté des Sciences de la capitale bretonne en 1901. Une place porte son nom nom loin du parc Oberthür de Rennes.

histoire de la vigne dans la capitale bretonne, Lucien Daniel

L'histoire du vin à Rennes

Ce dossier est issu de deux articles que j’ai écrit en 2012. Il fait suite d’une part à la rencontre avec Guy Saindrenan, Universitaire à Nantes. Il fut l’auteur en 2012 d’un ouvrage qui retrace l’histoire du vin de Bretagne (Le vin et la vigne en Bretagne). D’autre part avec les membres de l’association Rennes jardin, qui produit le vin du Haut-Quineleu.

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Histoire du vin en Bretagne

une histoire du vin et la vigne en Bretagne

L'histoire du vin en Bretagne

Pendant des siècles, la Bretagne a produit du vin sur ses terres. L’universitaire Guy Saindrenan en a recherché les traces. Il a publié en 2012 un ouvrage qui retrace l’histoire du vin de Bretagne. Nous avons rencontré l’auteur.

les départements bretons
La Bretagne, fleuves et préfectures, sur notre carte des nouvelles régions de France

En Bretagne, la vigne avant le cidre

Ce sont les Grecs qui, les premiers, auraient introduit la vigne dans ce qui deviendra la France en installant leurs comptoirs commerciaux sur la côte méditerranéenne vers le XIIe siècle avant Jésus-Christ. Dès le début, ce n’est pas tant l’attrait du fruit sucré qui fascine ces populations, mais la boisson fermentée que l’on peut en tirer. La colonisation romaine, aux tous premiers balbutiements de notre ère, propagera la culture de la liane derrière elle. « Dans l’Ouest, on a découvert un pressoir à Piriac-sur-Mer dans la région de Guérande. Il est situé près d’une ferme dont l’origine remonterait entre le Ier et le IIIe siècle. Le cidre n’étant produit qu’à partir de la Renaissance en Bretagne, et comme il n’y a pas d’olives ici, on suppose qu’il s’agit du premier pressoir à vin connu dans la région. »

l’histoire du vin en Bretagne
Les vendanges dans le Morbihan, date inconnue. Le cachet de la Poste indique 1908 pour l'expédition.

La vigne, chez elle dans l'Ouest ?

Au Moyen-âge, la présence de vigne est attestée partout en Bretagne. De Morlaix à Landévennec, sur la presqu’île de Crozon, de Pont-Scorff à Dol-de-Bretagne. « Mais elle est peu dense. Elle n’imprime pas la société bretonne comme elle a pu le faire dans le Bordelais ou le Bourguignon ». Le vin, de mauvaise qualité, sert pour la messe. Les vignes appartiennent aux monastères. À partir du XIIIe siècle, la vigne bretonne périclite. L’histoire du vin en Bretagne évolue. Le vin, consommé par les plus riches, sera désormais importé de territoires productifs, par la mer. Seuls quelques petits pays maintiennent la culture du raisin dans la région.

Définir le vignoble breton

Guy Saindrenan s’est fixé quatre critères pour définir ce vignoble breton. « Tout d’abord, la pérennité de la culture de la vigne appréciée au fil des archives. Par exemple, celle de la presqu’île de Rhuys dans le Morbihan, dont la plus vieille référence connue remonte au XIe siècle et la plus récente au XXe. Ensuite, une véritable économie de la vigne, c’est-à-dire une activité qui n’est pas seulement assimilable à une production familiale. Également, la présence sur les plans cadastraux de parcelles en forme de lattes, caractéristiques de la culture. Enfin, la référence à la toponymie au travers des noms de hameaux, de parcelles. » Cinq territoires répondent alors favorablement à ses définitions. Rhuys, précédemment citée, Guérande, les Pays de Rance, de Redon et de Nantes, le seul encore actif.

histoire du vin en Bretagne et de la vigne
Une distillerie à Vannes (date indéterminée)

La vigne et le vin en Bretagne

À Rhuys, on produit du vin jusqu’en 1880. À cette époque, le phylloxera a déjà envahi tout le sud de la France. La production du cognac, en Charentes, décline fortement du fait de la présence du redoutable puceron. « Rhuys, encore épargné par la montée vers le nord de l’insecte, a profité de ses plantations de Gros Plant, un cépage bien adapté à la production d’alcool, pour créer une eau-de-vie concurrentielle. » Dans le Pays de Rance, il semblerait que les raisins aient servit à la fabrication d’un vin blanc, tout comme à Redon. À Guérande, les archives font mention de l’introduction au XIe siècle du Pinot d’Aunis, un cépage noir à jus blanc.

le phylloxera en Bretagne, histoire du vin en Bretagne
carte de l'avancée du phylloxéra en 1882 en France (source Maurice Jean Auguste Girard, entomologiste)

L'arrivée du phylloxéra bouleverse tout

À Nantes, c’est le Gros plant et le Melon de Bourgogne qui se font remarquer par leur présence, destinés respectivement à la distillation et à la fabrication du muscadet. Mais, en 1900, le phylloxera attaque la Bretagne. En conséquence, dix ans plus tard, l’ensemble des vignes est détruit. Or, dans le reste de la France, touchée bien plus tôt par le ravageur, les cépages français de qualité ont été conservés et greffés sur des pieds de vignes américains, résistants. 

L'Ouest à contre-courant

À l’inverse, dans l’Ouest, une vigne hybride est timidement replantée à partir de 1920. Dans un contexte national de surproduction qui va durer tout le XXe siècle, la production bretonne est quasi nulle. Elle tombe pourtant sous le coup des lois qui tentent de mettre un frein à la surabondance. Elle sera progressivement abandonnée, sauf dans la région nantaise. Est-ce pour autant l’histoire du vin en Bretagne s’arrête ici ? Bien sûr que non, puisque le renouveau du vin en Bretagne est en cours

Histoire du vin en Bretagne, le livre :

Guy Saindrenan, La vigne et le vin en Bretagne (une histoire du vin en Bretagne) éditions Coop Breizh, 576 pages, 35 €.
J’ai réalisé cette interview lors d’une rencontre avec l’auteur en 2012 au club de la Presse de Rennes.

Les AOC les plus proches de la Bretagne

Ils sont situés autour de Nantes, en Loire-Atlantique (département code Insee 44). Vous pouvez en retrouver toutes les appellations et leurs crus sur notre carte des vins de Loire. Sur cette carte géographique des vins, vous pouvez localiser le sud-est de la Bretagne, avec les villes de Rennes et de Redon. Ces deux agglomérations suivent le cours de la Vilaine. Nous avons également précisé la géologie du massif armoricain sur cette affiche format 70×50 cm. Grâce à cela, vous pouvez repérer que s’il n’y a pas d’AOC dans les limites administratives de la Bretagne, certains AOC poussent cependant sur les granites et roches métamorphique du Massif Armoricain.

la carte du vignoble du Val de Loire